Lumières d’Asie

Le commentaire éclairé (!) d’Élisabeth à propos du coucher de soleil m’a fait penser à cette idée de la lumière différente de la nôtre.
Au Québec, il y a un moment dans l’année où la lumière rasante du soleil vous aveugle et change toutes les perspectives. Ici, dans la journée, la chaleur est telle que l’air vibre à vous brouiller la vue.

Aujourd’hui, nous sommes passés dans des palmeraies touffues qui laissaient passer dans le bon alignement un rai de lumière qui semblait remonter des profondeurs.
Plus tard, en me promenant, j’ai vu la lumière donner une fraîcheur nouvelle à un paysage déjà vert ou nimber d’un voile donnant des tonalités crues à une herbe pourtant desséchée.

Comme pour la visite du mémorial, est-ce que d’avoir vécu ces 15 jours sous une lumière différente m’a rendu meilleur?

Est-ce que voir au milieu de cette crasse, à l’aune de notre hyper hygiénisme, au milieu de ce dénuement qui n’en est pas pour autant pauvreté, voir donc la joie de vivre, le plaisir de la vie sociale, la simplicité des rapports, est-ce que tout cela a fait vibrer une corde humaniste chez moi?
Déjà à Cuba, j’avais vu cette entraide et cette joie de partager. Mais j’y avais pourtant trouvé un sous-jacent intéressé. Ici, les gens saluaient pour le simple bonheur, à moins que ce ne fût l’équipage qui générait l’enthousiasme? Ils n’attendaient rien de nous et, malgré la différence évidente de moyens, la majorité profitaient de l’instant comme on profite de la beauté du vol d’un papillon.

Qu’en est-il de ma perception? Je n’arrive pas à m’abstraire de ce sentiment non pas de profiter, mais d’étaler, même sans ostentation, une «richesse» éhontée.
Je n’arrive pas à prendre sans vergogne des photos-portraits des autochtones tant j’ai peur de devenir le touriste au zoo, emprisonnant une seconde fois, sur la pellicule, des êtres déjà privés de leur liberté.

Il est évident qu’ils « savent » Il est évident que les petits vendeurs essayant de nous fourguer leurs babioles d’une voix geignarde, répétant sans discontinuer quelques mots d’anglais comme une mélopée émolliente, espèrent nous tordre les nerfs pour nous arracher quelques dollars. Les voir insister jusqu’à la dernière minute où le bus est lancé montre que cela fonctionne certainement. Ces femmes au regard battu tentent la même chose sur un autre registre.
Que venons nous faire ici? Voir «leur» lumière? Trouver dans leur histoire un sens à la vie, à leur vie, à notre vie.
Il y avait cette femme à l’hôtel de Siem Reap qui, se pressant les poings sur la poitrine, nous expliquait qu’après une journée à visiter les temples, elle était « ivre de beauté ». Je ne crois pas avoir la même sensibilité que ces gens qui vivent au milieu de ces religions dont les représentations ont un écho au plus profond d’eux-mêmes.
Si je suis ému par Angkor, ce n’est pas par la beauté intrinsèque, mais par la vibration d’un rêve passé, l’image que j’en avais quand cela me semblait inaccessible, l’idée que je m’en suis faite quand cela est devenu un projet réalisable.
La lumière de l’Asie, cette lumière qui illumine le cœur, je l’ai retrouvée, dans les paysages, dans leurs yeux et j’ai hâte de la retrouver comme tous les jours dans les yeux de ma chérie.

Et alors
Paysages

5 thoughts on “Lumières d’Asie

  1. Et après on se demande pourquoi ses filles dont exigeantes pour trouver un prince charmant à la haute de ce romantisme…

    Ça nous aide pas beaucoup tout ça Papa !!!
    😩😫😝

  2. Incroyable ecrivain romantique monocycliste ! Ton reportage nous a charmé, tes écrits, ont merveileusement accompagné le visuel.
    Bravo pour cette prouesse physique et cette aventure humaine .
    Max et Elisabeth.

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