Onfray prône une vie philosophique dans tous les sens du terme. Que devrait être une conduite philosophique?
J’ai l’impression que d’être derrière son volant révèle le pire de nous-mêmes, nous (pas vous, seulement moi) insultons les autres qui font vraiment n’importe quoi, les piétons qui traversent n’importe où, et surtout, surtout, nous restons sur la voie de gauche parce que notre trajet est plus important que celui des «Autres». Cet étrange besoin de prendre la place qui nous est, bien sûr, due me met mal à l’aise. Roulons à droite même si nous pensons à gauche.
Comme je le disais, les routes ici sont très différentes des nôtres. Les conducteurs klaxonnent à qui mieux mieux, je n’ai pas réussi à déterminer si c’est pour saluer notre passage, nous mettre en garde, ou simplement pour avertir un autre usager de leur arrivée. Le dénominateur commun, c’est quand même qu’ils sont très prévenants. Je pense que c’est en raison de la multiplicité des véhicules qui circulent: motocyclettes rongées de rouille, ersatz de buffle, vélo déglingué ou la population qui s’y entasse : famille au complet, triplette de jeunes filles revenant de l’école ou personne d’un âge canonique charriant néanmoins des amoncellements de toute sorte. Ce peuple a soin de sa famille et de ses aînés.
Mon propos n’était absolument pas la route, mais bien la philosophie.
Nous avons fait le passage obligé par les lieux honnis des massacres khmers: prison au centre-ville, camp d’extermination à l’extérieur. Je n’ai nulle intention de vous montrer la chose, si ce n’est une plaque trouvée sur un mur caché de la prison.
On peut y lire, je pratique le cambodgien couramment maintenant:
s’abstenir de tout mal,
cultiver le bien,
fortifier son esprit
Et je pensais à tous ces touristes qui, après avoir pris des mines compassées et photographié sans propos crânes et fosses communes, retourneraient à leur volant et à leurs habitudes dévoyées.