Saumon Lacrimosa

Je voulais l’appeler le “saumon à la sueur” mais ça n’est pas très engageant.

J’aurais pu l’appeler « saumon à la nage” mais vous auriez pu croire que j’avais plongé pour l’attraper, las qu’il ne morde à ma mouche.

« Exsudation de saumon » aurait pu le faire.

Mais avouez « Lacrimosa », ça, c’est glorieux !

Tout ça pour dire que j’avais encore tout cuisiné… Plus rien dans le frigo ! Dans ma quête échevelée de toujours plus d’exercice, j’enfourche mon brave destrier roulant pour aller jusqu’au marché trouver l’inspiration du midi. Ne reculant devant aucun sacrifice, je fais le grand tour par l’autre berge du canal. La piste est lisse et peu encombrée. Quelques vélos qui roulent péniblement à l’allure poussive d’un ours sortant de l’hibernation. Un groupe de néoparturientes poussant leur néoprogéniture dans des poussettes hors de prix, « coachées » par une aérobiste enragée.

Mais, moi, je ne vois rien de tout ça, je file, survole la piste, appuyant sereinement et pleinement sur les pédales, me demandant seulement si je dois délier la cheville pour utiliser la force de mes gastrocnémiens ou seulement m’en tenir à une poussée profonde partant des quadriceps supérieurs. C’est vrai, ça. Vous ne vous êtes jamais posé la question de savoir si vous deviez pédaler avec les chevilles ou les cuisses ? Quand je fais mes 3 km à la rame, chaque matin, je sais que si j’implique un petit mouvement de poignet en fin de mouvement, je gagne quelques dizaines de secondes à la fin de mes 15 minutes. Alors pourquoi pas sur le vélo ?

Je m’égare… du Nord bien sûr.

Donc je suis sur mon petit vélo et mon casque diffuse une musique appropriée à la vitesse et le planage.

Vous ne croyiez pas que j’allais vous laisser comme ça en plan avec mon amour platonique pour un homme. Que nenni ! Vous l’avez deviné : Vivaldi. Et de Vivaldi ? Le Stabat Mater !

Le matin, les 15 minutes à la rame, c’est juste pour s’échauffer. Faire circuler le sang. Augmenter la température. Bon après ça, c’est la fournaise, la locomotive à vapeur, ça fume, ça grésille, ça tremble, le sol tremble aussi.

Sur le vélo, nul besoin, échauffement incorporé ! Stabat Mater à fond la caisse !

Stabat Mater Dolorosa

Iuxta crucem lacrimosa

Ça vous remue les sangs dans tous les sens. Et Vivaldi, par-dessus ça. Je suis à la proue de mon vélo, debout sur le guidon, les bras en croix, à la Titanic, le film…

8 km à 60 à l’heure, ça fait 8 min ? En tout cas, d’un coup d’archet, je suis à la maison. Le saumon a fait la fin du voyage dans le sac avec les affaires de gym du matin, d’où l’inspiration initiale pour le titre. Pas de contact entre les deux et la seule communion de la musique.

Mais là, de retour aux fourneaux, je ne suis pas le petit être dépourvu de virilité des coeurs de palmier. Je suis plein de vigueur, prêt à en découdre au besoin. Elle n’aime pas les brocolis, elle va en manger !

Je me suis fait une petite recette dans ma tête. Oui, oui, parfaitement ! Je pédale, pense à la meilleure façon de le faire, jouit de la musique et j’élabore une petite recette. Et si vous voulez savoir, je travaille aussi sur mon projet, réglant quelques problèmes de serveurs, et je prévois, par dessus le marché, quelques astuces de cette divagation.

Donc ma petite recette, c’est une galette de sarrasin, il en reste d’hier, des poivrons, du saumon, de la crème, du curry, du gingembre et … des brocolis.

Je vais étuver les brocolos. Je vais faire une confiture de poivrons. Ensuite, je vais précuire mon saumon dans un peu de crème bien colorée au curry. Je n’y peux rien, j’aime la cuisine colorée. Je ne vais pas mettre de tabasco, mais encore un peu de gingembre pour aller chercher une petite note citronnée.

Vivaldi, si tu m’entends, vient manger à la maison, c’est le saumon cuisiné aux larmes de la Madone !

À table !

P.-S. Ça n’a pas marché, non plus, elle les a trouvés, toute de suite, et même si je me suis fâché (pour rire), elle me les a refilés, les brocolis !

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