Poulet St-Georges

Je n’ai pas vaincu le dragon, mais je l’ai combattu.

J’ai fait appel à mon meilleur sens de la casuistique pour savoir si le bénéfice excuserait la faute.

J’ai pesé le pour et le contre. J’ai humé le goût du poulet et celui des épices. J’ai mesuré, à vue de nez, l’impact des tomates. J’ai grassement arrosé de ma plus grosse bouteille de Tabasco. Pour cacher un peu mieux encore, j’ai coloré au curry. J’ai multiplié les ingrédients pour que leur nombre surpasse l’intrus. Curry et tabasco ne me semblant pas encore assez, j’ai coupé, en fines languettes, un beau bulbe de gingembre frais. Quelle odeur ! Quel fumet ! Quelle exhalaison ! Il n’y a pas de doute, cette fois, elle ne s’en apercevra pas !

Je me suis demandé si je ne devrais pas couper tous les légumes au vide-pomme pour que la forme cylindrique soit la norme. Pourquoi ne pas façonner le poulet au fer à friser ? Le poulet caniche, une nouvelle race de volaille frisée ! C’était en accompagnement de quelques spaghettis complets. « Damn it ! », comme disent les voisins, la couleur ne va pas du tout. Je ne vais quand même pas faire des spaghettis blancs pour parfaire le camouflage. Voilà, je viens de trouver l’idée ! Je vais m’habiller en blanc ! Je vais me déguiser en chef. Pas en chef style Géronimo, non en maître queux. La toque blanche fera un bon alibi aux cylindres blancs.

Vous m’avez compris ! Vous êtes des lecteurs attentifs et perspicaces ! Vous m’avez calculé, comme on dit maintenant. Eh bien oui, j’essaie de lui faire passer des coeurs de palmier. Moi, j’adore ça, en salade, en légume, chaud, froid, en vinaigrette, en soupe, à la croque au sel ou à la fourchette, j’aime ça. Et, vous l’avez deviné, elle, la grande, abhorre les arécoïdées, calamoïdées, céroxyloïdées, coryphoïdées, nypoïdées, phytéléphantoïdées de tout acabit. Pour elle, les palmiers, c’est pour la plage, le soleil, la mer, les éventails et les doigts de pieds. Pour elle, que les palmiers restent chez eux et les bananes seront bien gardées.

Donc, j’essaie depuis longtemps de trouver une idée pour les faire passer et, de peur de me faire battre, jusqu’à maintenant j’avais repoussé l’échéance. Mais ce matin, je me suis dit, in petto : « fait de toi un homme, mon grand ». Comme vous l’avez vu, le chemin fut tortueux, mais j’ai osé.

Résultat: « C’est quoi ‘ÇA’? Des coeurs de palmier? Je te les donne, tu aimes ‘ÇA’ plus que moi. »

Pas le temps de réagir. Pas le temps de placer un mot. Pas le temps d’expliquer que cela donner une douceur nouvelle au poulet. Ni de dire comme cela s’harmonise parfaitement avec le goût acidulé du gingembre. Tant pis pour moi. Tant mieux pour moi, je les ai tous mangés !

À table !

>>>>> recette

Vous le voyez, le coeur de palmier, il est tout caché!