Le gâteau du sixième commandement

C’est ce qu’on dit: “rien ne se perd”

Normalement, on ajoute : “rien ne se crée”.

C’est censé être le sens de la vie, la longue valse du carbone. Un atome existe et rien ne peut le faire disparaître.

Vous savez que la notion d’atome a été imaginée par des philosophes grecs quelques siècles avant notre ère. C’est une simple construction de l’esprit. Cela nous semble évident maintenant, mais il y a 2500 ans ! Juste en réfléchissant, ils ont démontré que la matière est faite de rien. Bien sûr, maintenant on a une représentation du rien, une image du néant, une figuration de l’inexistant, je dirais même plus un visuel de l’invisible. On le voit bien le noyau de cerise et les pépins de pommes qui tournent autour. Ensuite, ils s’agglutinent pour faire des mobiles de Calder en smarties de toutes les couleurs; vous savez H2O, un rouge et deux jaunes ou NH4, un vert et quatre bleus. Le premier, c’est de l’eau, le deuxième c’est de l’ammonium, on mélange et ça fait de l’oeuf pourri !

Résumé, il ne faut pas mélanger n’importe quoi. Mangez les smarties mais pas les verts, ils ne sont pas bons.

Moi, ma maman, elle m’a dit, il ne faut pas perdre. J’essaie de perdre encore du poids, mais il ne faut pas lui dire. Alors je réutilise, je ressers, je réhabilite, je recombine, j’adapte ! Je m’adapte ! Parce que, les nanas, elles sont difficiles au départ, mais les petits plats ça n’arrange rien, elles se radicalisent !

Les pommes qu’elles n’épluchent pas, j’en fais de la compote. J’ajoute les bananes un peu noires et les poires un peu “nananes”. Jusque-là ça va.

La pâte qui reste, je fais des pommes surprises, là je triche un peu je fais trop de pâte, sans le faire exprès…

Les gâteaux qui restent, on les mange sans rechigner. Les petits plats, ils sont meilleurs le lendemain.

Mais il reste un ingrédient dont il n’est absolument pas question de perdre la moindre miette, c’est vraiment le cas de le dire. Non, non, je vous entends penser, il ne s’agit pas de la gnole, du ratafia, ni du soi-disant alcool à friction caché dans la pharmacie. Il ne s’agit pas non plus du sel, la gabelle n’a plus cours, de la farine, que l’on achète en vrac pour limiter l’emballage, si, si c’est vrai. Il ne s’agit pas de l’eau et pourtant on devrait. Il n’est pas non plus question de l’huile de coude. Avant je m’entrainais pour développer ma silhouette athlétique, maintenant je m’entraine pour fraiser la pâte, bouler le pâton, candir les bonbons, coucher les gâteaux, dénerver le suint, fouler au chinois, fleurer le plan, crinquer la machine à spaghetti, battre les oeufs et même frapper le café.

Non, il s’agit du pain. La nourriture sacrée par excellence. Mam a dit, et c’est parole d’évangile,  peut-être même parole divine. Ce sont les six commandements de Mam:

  1. le pain doit être à l’endroit
  2. on ne gaspille pas le pain
  3. on ne perd pas de pain
  4. on ne lance pas le pain
  5. on ne gâche pas le pain
  6. on ne met pas de pain à la poubelle
Et, donc, en vertu de la sixième loi, qu’est-ce qu’on fait avec le pain rassis ?
On fait un gâteau de pain.
Un litre de lait, des raisins du rhum pour les raisins, un peu de vergeoise et du pain dur.
À table !
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