Hétéronomie du cuisinier

Le cuisinier est-il libre ?

Peut-il en tout état de liberté intellectuelle ne pas subir les forces extérieures et faire ses propres lois, vivre selon ces propres lois, exercer sa propre autonomie?

Est-ce que le cuisinier peut, tout comme Kant, soutenir que la « raison pratique » est définie par sa liberté de faire ou refaire les recettes qui lui plaisent, quand il lui plaît?

En matière culinaire, la raison n’est plus pure, elle est polluée d’artefacts familiaux. La raison n’a plus cours! Le calendrier est perclus de dates de répétition. Les conversations familiales ne tournent plus autour du repas qui vient, mais de la date de retour de telle ou telle recette.

Ce n’est plus « qu’est-ce qu’on mange? », c’est « à quand les cornes de gazelle? ».

Hier, les mensonges courraient : les pommes se gâtent, il y a des œufs qui attendent, les moules à manqué s’oxydent, on a renversé du sucre, le beurre est en promotion ! On a entendu à la radio: «c’est le retour du moelleux aux pommes».

Pouvez-vous croire à ça? «On a entendu à la radio que c’était le retour du moelleux aux pommes.»

Le cuisinier est prisonnier de la cellule familiale, de la tyrannie du goût, de l’appétit des choses nouvelles. Il ne lui reste que ses rêves et il les affiche!

À table!