Poulet mécanique

Normalement, on y met les doigts, les dents, la langue. On se goinfre, on s’en met par dessus les oreilles. De toute façon, l’arrachage mécanique est interdit chez nous, tout le monde le sait maintenant !

Quoi qu’il en soit, du bout des doigts ou avec des pincettes, les Filles, avec un grand F, ne sont plus intéressées par le grignotage, ou de museau, et encore !

Même la petite, du haut de tous ses centimètres, a perdu le goût de la dégustation Cro-Magnon. Est-ce par fainéantise que seuls les flancs ont encore leur heure de gloire ? Est-ce l’habitude de déguisement clownesque de la farandole des animaux, petit festin de chez Beurk Do, qui a fait perdre de l’attrait aux morceaux naturels ? Est-ce la sémantique nouvelle de viande blanche et pure comparée à la viande brune et entachée qui a diabolisé le réalisme ? Mais alors, pourquoi les “ailes” ont elles les faveurs de tous et toutes, mais plus les pattes ?

De mon temps, c’était le poisson dont on déguisait les formes pour en oublier le goût.

Alors les jours de poulet rôti, je découpe les beaux morceaux pour les disposer artistiquement dans une assiette et malgré l’allure crapaudine, le plat semble avoir leur aval. Je me cache dans la cuisine, loin des yeux civilisés et des instances vétérinaires, pour arracher mécaniquement, du bout d’un couteau pointu, les lambeaux restants pour les déguster in petto. Je finis par l’ultime friandise, la poupe du poulet, le morceau de choix, la parcelle dont elles ne veulent même pas entendre parler, par le croupion pour ne pas le nommer.

Sur la table, les blancs disparaissent immédiatement, parfois, par jour de grande faim, le bréchet s’évanouit, mais les autres bas ou hauts morceaux n’ont pas l’heur de plaire et finissent invariablement dans le réfrigérateur.

Alors cette fois, dans la série rien ne se perd, tout est bon dans le poulet, j’ai concocté un “frichti” dont Mamie aurait été fière.

Deux oignons qui, cachés sous le nouveau filet de leurs congénères, en avaient profité pour germer sérieusement, 5 cm au garrot au moins. Un vieux poivron vert que je destinais à la soupe de dimanche dernier. De la coriandre que j’avais oubliée au fond d’un sac en plastique opaque, mais qui reprit de belles couleurs vertes sous l’a douche glaciale. Un reste de quinoa que j’avais fait trop généreux. Et le fameux poulet cello-fanné.

Tout le reste c’est dans le tour de main: un peu de ci, un peu plus de ça, faire revenir jusqu’au brunissage, réserver, ajouter, couvrir et servir.

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