Le poireau du père l’ascèse

Vous savez ce qu’ils appellent “sacrifices” en anglais, plus exactement, en football américain, c’est un exercice stupide où on court de la ligne des buts vers la ligne des 10 m, on revient, on retourne vers la ligne des 20 m, etc. En fait, ce sont des yards, mais il n’y a pas trop de différence.

Eh bien, j’ai un peu l’impression que ce que je viens de faire. Une petite course à droite, une petite course à gauche, un pas vers le frigo, une galopade vers l’autre frigo, un sprint dans la roulotte pour trouver le plat que j’ai acheté, mais que bien sûr je ne trouve plus alors qu’il est juste sous mon nez. Une esquive vers l’ordi pour connaître le poids en gramme d’une “tasse” de farine.

Et oui, je n’ai pas de balance, je n’ai pas de robot, je n’ai pas de rouleau, je n’ai pas chamalow. C’est la popote, vous vous souvenez?

Donc une tasse de farine… Vous savez qu’ils mesurent tout en tasse, les américains et par conséquent les canadiens et donc les québécois… Comment on peut peser de la farine avec une tasse? Et de la farine ça peut aller, on met une tasse de farine, une demi-tasse de crème, un quart de tasse d’oeuf, un seizième de tasse de levure, une quarante-douzième de tasse de sel et on fait des crêpes, pardon des pancakes. Mais au hasard, pour la salade César, c’est le bazar! Une tasse de salade, tassée ou pas tassée? Ce n’est pas comme les oeufs, la salade tassée, c’est plus cher. Une demi-tasse de croûtons. Ça c’est comme le stère de bois qui réduit si on coupe les bûches en deux. Si les croûtons sont petits, il y en a plus, parce qu’il y a moins d’air dans la tasse. Elle ne manque pas d’air la recette. Un seizième de tasse de cholestérol. Une tasse à coudre de colorant. Oui la salade, elle est toute blanche, on dirait des endives, mais sans le goût. Et voilà une bonne recette bien bâclée que vous pourriez manger dans Monument Valley au restaurant de John Wayne du temps des vrais bons petits westerns. Nous y sommes allés, avec la Grande, et la tasse il ne devait pas connaître! Eux c’était au seau et ça avait autant de goût que le plastique mou que les québécois appellent du fromage. Et comme si cela ne suffisait pas, tout ce qu’il y avait à boire c’était de la bière insipide et sans alcool pour ne pas finir de détruire le foie des indiens environnants. Vous savez, comme dans le désert, vous voyez que du sable et si vous faites trois pas, il y a un bédouin qui essaie de vous refiler de la camelote “made in china”. Et bien , là c’est pareil, vous faites trois pas dans le désert de l’Arizona, (ça le fait non?) et de derrière un buisson sort un emplumé qui essaie de vous vendre un “dream catcher”, made in Taïwan.

Où j’en étais? Je perds le fil parce que je cours me resservir, c’est bon!

Ah oui, donc aujourd’hui c’était opération de salut publique: j’ai «ramené» deux poireaux de Montréal! Heureusement, les poireaux c’est de la famille des oignons, on enlève une couche ou deux et il est comme neuf.

Honnêtement, j’ai tergiversé et même j’ai procrastiné et dûment atermoyé pour au moins deux épaisseurs de poireau. J’avais peur!

J’ai regardé les balances. J’ai regardé les plats. J’ai regardé les ustensiles qui me semblaient utiles ou tout du moins nécessaires. Sans en trouver à mon goût ou à ma bourse! Il ne faut pas pousser non plus. Autant la quiche du jeudi est maintenant une tradition établie, autant ici, à la roulotte, il n’y a d’habitude ni de convention. Donc il me fallait me lancer malgré toutes les interrogations. Ce qui ne prend que quelques minutes au robot, est-il encore possible de le faire manuellement. Je vous rappelle les jeux olympiques de la carotte auxquels je n’ai résisté que grâce à ma dernière année d’entraînement intensif. Le four a-t-il la capacité à cuire un tel plat. Comment mesurer la farine?

Bon aller tant pis, j’y vais, la prochaine fois, ce sera plus facile.

Mon ordi me dit, en américain, qu’une “cup” c’est 125 grammes américains de farine américaine tous usages américains ou pas. Je le crois. J’en mets une et demie. Ensuite une tranche de beurre, zut, elle part un peu en sucette. Pas grave ce sera moins gras. Je la coupe en dés et maintenant, il suffit de faire du sable. J’y vais. Oups, j’ai oublié le sel. Un peu de sel, à la tasse, j’ai les mains poisseuses. Ça y est, il y a de la farine partout, sur la porte, sur la salière, sur l’évier, par terre. Heureusement, ce n’est pas grand.

Pour finir,ce n’est pas si mal.Ça se fait bien. Ensuite un peu d’eau froide. Je pétris. Je pétris. Et j’obtiens une belle boule. J’aurais pu mettre un peu plus d’eau. Faire revenir les poireaux,ça,a c’est facile. Allumer le four! Ah oui, la première année, je n’ai jamais réussi à l’allumer. Il m’a fallu deux ans. Sans blague. La veilleuse, ça va, mais c’est le brûleur. Pour moi, on poussait le bouton et “flushhhhh”, le brûleur s’enflammait! Et là rien à faire. J’attendais. J’attendais, mais plus j’attendais et plus je serrai les fesses. Je me disais ça va faire un grand “flushhhhh” et je vais me retrouver sans moustache, sans un poil, à poil peut-être, rôti, grillé, flambé! Et puis non, ça fait “pshittttt” comme un pétard mouillé et ça s’allume gentiment.

Et voilà le sacrifice qui arrive. J’ai bien couru de-ci de-là ,cahin-caha, mais il me reste une dernière longueur à faire! Obligé. Je dis bien “obligé” d’aller au dépanneur, acheter une bouteille de vin pour en faire un rouleau à pâtisserie manchot. Le dernier sacrifice! Abandonner une vie d’ascèse pour ne pas perdre deux poireaux!

Bon aller, le reste, pim pam poum, c’est trop facile.

À table!

popote à la roulotte: quiche aux poireaux
popote à la roulotte: quiche aux poireaux

Je vous mets une deuxième photo pour bien vous montrer le super-four !

popote à la roulotte: quiche aux poireaux à l'entrée du four
popote à la roulotte: quiche aux poireaux à l’entrée du four